Evocation historique 1410
A l'occasion des journées du Patrimoine de 2025, m'a été proposé de fabriquer des costumes médiévaux pour l'occasion en s'inspirant d'une enluminure des Très Riches Heures du Duc de Berry
Les Très Riches Heures du duc de Berry est un livre d’heures, c’est-à-dire un livre de prières à l’usage des laïcs, commandé par Jean de Berry, frère du roi Charles V. Ce manuscrit a été commencé entre 1410 et 1416 par les frères de Limbourg, célèbres enlumineurs du début du XVe siècle.
Il se distingue par une série d’enluminures qui illustrent non seulement les scènes religieuses attendues, mais aussi des scènes du quotidien, de la vie aristocratique et paysanne, ce qui était assez novateur pour l’époque.
L’enluminure du mois d’avril représente notamment une
scène de mariage entre nobles.
C’est à partir de cette scène, et plus largement de l’ensemble des illustrations de l’époque, que les costumes de l’exposition ont été reconstitués.
Petite aparté : évocation ou reconstitution ?
Ici, il est question d’évocation plus que de reconstitution historique stricte. En effet, il est très complexe d’être parfaitement juste d’un point de vue historique, en particulier pour le Moyen Âge et les périodes plus anciennes.
Heureusement, le début du XVe siècle est un moment riche en témoignages visuels et écrits : enluminures, fabliaux, livres de comptes, lois somptuaires…
Un véritable florilège de sources qui permet de tendre vers une certaine justesse historique.
La reconstitution, au sens scientifique, suppose que tout propos soit étayé par plusieurs sources convergentes et crédibles, en s’appuyant aussi sur l’archéologie (fouilles exhumant des éléments vestimentaires), et en tentant de se replacer dans le contexte de pensée des gens de l’époque. L’une des erreurs des érudits du XIXe siècle, à l’origine de l’imaginaire médiéval collectif que nous avons encore aujourd’hui, a justement été de projeter leurs propres représentations plutôt que de s’en tenir aux réalités historiques.
Pour rester au plus près du vrai, je me suis donc appuyée sur des sources secondaires (travaux de chercheurs modernes plutôt que documents médiévaux directement) : notamment les ressources de la Bibliothèque nationale de France, Le Costume médiéval de Florent Véniél, les articles de Tina Anderlini (que je recommande vivement), et le recueil de recherches accompagné de patrons publié par nos collègues anglais sous le titre Reconstructing History.
Enfin, il faut garder à l’esprit que les termes et méthodes varient et ne constituent pas une science exacte : ce qui semble établi aujourd’hui pourra être remis en question demain. D’autant plus que la langue du XVe siècle n’était pas uniforme : le vocabulaire différait selon les couches sociales, les régions et les sources… et les traductions modernes (notamment britanniques) ajoutent encore à cette complexité.
Même lorsque l’on s’efforce de rester fidèle aux formes, les conditions de fabrication ne sont plus celles du Moyen Âge : les matériaux modernes diffèrent, les techniques ne sont pas identiques, et le temps consacré aux pièces n’est pas comparable à celui des ateliers médiévaux. À ce titre, il est légitime de s’interroger : qu’appelle-t-on “reconstitution parfaite” ? Une silhouette historiquement juste suffit-elle, ou faudrait-il aller jusqu’à reproduire l’ensemble du processus, depuis la tonte des moutons jusqu’au tissage sur métier ancien, dans un cadre de vie identique à celui du XVe siècle ?
Même parmi les reconstituteurs passionnés, les approches divergent. Certains estiment qu’il serait impossible d’incarner un noble si l’on ne peut se procurer aujourd’hui des matières luxueuses équivalentes — comme la soie brodée d’or — puisque ces étoffes étaient justement le signe distinctif de l’élite. Mais cette vision exclurait toute tentative d’évocation pour qui n’a pas les moyens de ces matériaux rares.
Notre démarche est différente : il s’agit de proposer une silhouette et une impression fidèles, quitte à employer des équivalents modernes plus accessibles. Ainsi, l’évocation reste ouverte à tous, sans prétendre à une exactitude matérielle absolue mais en rendant sensibles les codes visuels de l’époque.
Un article plus complet sera bientôt disponible (similaire à celui de l'exposition) en attendant, voici une petite vidéo de l'habillage des costumes.
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